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Les textes et leurs pièges

Le piège des citations coraniques

May 15th, 2007 by ajmch


D’ordinaire, Spengler est un commentateur très talentueux et perspicace — voir notamment son approche de la civilisation arabe à travers le prisme de sa poésie et de ses lettres. Mais il semble affligé lui aussi d’un recul hélas très commun devant l’examen des textes coraniques. Ainsi, ses prises de bec virtuelles avec Robert Spencer, directeur de Jihad Watch, ne sont pas à son avantage.

En résumé, Spengler plaide la complexité floue: il serait possible de tirer le pire et le meilleur des écritures coraniques, simplement en fonction de ce qu’on souhaite y trouver. Cette opinion est largement répandue et paraît instinctivement plausible au novice. En effet, il est naturellement possible de chercher de manière ciblée les passages des écritures islamiques qui soutiennent ou fragilisent un point de vue donné. C’est à la portée de chacun et il est même probable que c’est la règle dans l’Islam, puisque les enfants y reçoivent leurs convictions longtemps avant d’être capables de discernement.

Mais qu’en est-il d’une approche objective — l’examen de l’ensemble des textes confirme-t-il ce point de vue intuitif? Et si ce n’est pas le cas, si une prise en compte honnête des écritures islamiques produit un résultat incontestablement orienté, laquelle des deux approches (objective/subjective) est-elle déterminante? À l’heure où l’Islam prend tant d’importance dans le monde, ces questions peuvent-elles rester en suspens? Et comment, le cas échéant, y répondre au mieux?

Prenons un exemple: Mahomet est censé avoir interdit de tuer un moine en prière, ou les femmes et les enfants. Mais il aurait aussi fait des déclarations antagonistes, selon lesquelles l’ennemi est à considérer comme un ensemble compact, indifférencié, et lui-même, selon les mêmes sources, aurait utilisé des armes tuant sans aucune différenciation les femmes, les enfants et les gens en prière. Un esprit objectif qui cherche à déduire des lois de ces écrits va donc probablement conclure qu’il est interdit de tuer des femmes, des enfants et des moines… sauf en certaines circonstances, qu’il faut établir en examinant le contexte en question. Il faudra ensuite décider dans quelle mesure les situations d’exception permettent de définir des principes applicables dans l’ici et le maintenant.

Ce processus, devenu rapidement collégial, est celui de la législation islamique. Il a invariablement produit des lois justifiant et glorifiant la guerre contre les infidèles jusqu’à la domination mondiale, la ségrégation religieuse et sexuelle, les châtiments corporels en place publique et toutes sortes de processus juridiques non codifiés, faisant référence à la foi en Allah et en les promesses coraniques. Aucun collège n’a jamais contredit ces principes au nom des écritures islamiques. Il n’y a tout simplement pas matière à cela.

Et surtout, nous sommes ici dans le domaine de la foi et les savants, en fin d’analyse, affirment simplement que le respect des préceptes islamiques produit par définition une société parfaite. Il est donc légitime de défendre et de répandre cette société, dont chacun des membres bien conscients de la qualité et de l’importance de ce projet prendra volontiers sur lui de subir les châtiments en question pour purifier la communauté de ses errances personnelles. Ainsi, le voleur est heureux qu’on lui coupe la main, car cela le guérit du péché, lui donne une meilleure chance devant Dieu; la femme infidèle désire être lapidée, car cela exorcise l’aspect nuisible de son acte et renforce les qualités morales de la société.

D’où il ressort que l’examen objectif de l’ensemble des écritures, par des savants, produit, vers l’extérieur, un projet conquérant et impérialiste, qui justifie la violence et le meurtre de masse au nom de la foi islamique et, vers l’intérieur, un idéal de société rigoriste et totalitariste, qui déclare sacrés les moindres gestes de la vie quotidienne et les régule sans pitié. Certes, les savants, les juristes, sont une minorité, mais dans une société acquise à l’Islam, cette minorité est invariablement au pouvoir (ne serait-ce qu’au pouvoir juridique et législatif) et son influence est donc incomparablement plus grande que celle des gens qui se contentent de choisir dans les écritures les passages qui plaisent à leurs convictions subjectives. Car ces derniers, sauf exception, ne vont jamais bien loin dans la hiérarchie d’une société islamique.

D’autre part, les savants sont aidés ici par les extrémistes, les gens qui cherchent dans les écritures de quoi justifier leur soif d’actes criminels. Et ceci de deux manières: d’abord, les extrémistes intimident (ou abattent) les partisans d’une société libre et pacifique, ce qui favorise la position des connaisseurs objectifs des écritures, qui peuvent affirmer avec une sorte de raison perverse, que seul le plus grand respect des lois islamiques met le peuple à l’abri du danger, dans ce monde et dans l’autre. Et les extrémistes, lorsqu’ils exagèrent et créent le chaos, peuvent aisément être traités de simples criminels ignares par les juristes qui, en détenteurs reconnus de la vérité des écritures, condamnent leurs actes et appellent, encore une fois, à plus de respect des vraies lois de l’Islam.

Il faut également relever que si les extrémistes aussi sont une petite minorité, leur manque d’inhibition devant la violence leur donne un pouvoir personnel considérable sur leur entourage. Et bien sûr, ils peuvent être récupérés, utilisés, armés, amplifiés, par des gens avides de pouvoir.

Ainsi, en définitive, le fait qu’il soit certes possible de se leurrer sur la nature de l’Islam, dans un sens ou dans un autre, n’a pas d’importance pour la réalité du phénomène. Il suffit que les écritures islamiques soient répandues, parmi une population alphabétisée et crédule, pour reproduire le schéma qu’elles décrivent (guerre permanente, troubles civils, improductivité, non-créativité). Les écritures islamiques sont bel et bien un piège, mais pas celui que nous dépeint Spengler.