L'auteur de ce texte, est lui-même un araméen né au Kurdistan.
Benoît XVI en Turquie, berceau de la chrétienté
Du mardi 28 novembre au vendredi 1er décembre 2006, le pape Benoît XVI a effectué une visite officielle en Turquie, un pays que les journalistes ont présenté comme une terre d’islam. Or jusqu’au XIe siècle, la Turquie qu’on appelait Asie Mineure, était un pays en majorité grec et entièrement chrétien ; il n’y avait alors pas un seul turc musulman. Saint Paul et saint Nicolas La Turquie a même été le premier pays christianisé de l’histoire. C’est là qu’ont eu lieu les huit premiers conciles œcuméniques de l’Église catholique. C’est également le pays de l’apôtre saint Paul, né à Tarse, et de saint Nicolas, le célèbre patron des écoliers, qui vécut à Myre, dans le sud du pays et qui participa au premier concile œcuménique, à Nicée (325), où on fixa le Credo catholique, chanté aujourd’hui encore par les chrétiens. L’Asie mineure, aujourd’hui la Turquie, est donc le berceau du christianisme, où se situent de nombreux lieux hautement symboliques pour les chrétiens : Antioche Antioche (aujourd’hui Antakya), ville dans laquelle, il y a près de deux mille ans d’après le Nouveau Testament (Actes des Apôtres, XI, 26), les premiers disciples du Christ ont reçu le nom de chrétiens. C’est aussi à Antioche, d’après la célèbre Histoire ecclésiastique d’Eusèbe de Césarée (mort en 339), que saint Pierre, chef des Apôtres et premier pape, a fondé, avant de venir à Rome, la première Église de l’histoire. Antioche est ensuite devenue le siège du plus grand patriarcat de la chrétienté, après Rome et Alexandrie (Égypte). Cappadoce Dans le centre du pays, la région de Cappadoce a été l’un des plus importants foyers de rayonnement du christianisme. Trois des quatres grands docteurs de l’Église grecque sont originaires de cette région : saint Basile de Césarée, saint Grégoire de Nazianze et saint Grégoire de Nysse (IVe siècle), connus sous le nom de Pères cappadociens. La Cappadoce comptait des centaines d’églises et de monastères qui ont été pillés et saccagés par les envahisseurs musulmans. Aujourd’hui, il n’en reste plus que des ruines qui ne seront jamais restaurées puisqu’il est interdit de rénover ou de bâtir des églises en Turquie. Arméniens et Syriaques Ce qu’on appelle aujourd’hui la Turquie orientale était également une région chrétienne, peuplée d’Arméniens et de Syriaques, qui ont été persécutés pendant des siècles par les musulmans arabes, turcs et kurdes et qui ont subi un véritable génocide en 1915 (environ 2 millions de morts dont 1,5 million d’Arméniens et 500 000 Syriaques jacobites, nestoriens et chaldéens). Aujourd’hui, les chrétiens arméniens ont complètement disparu de Turquie orientale où ne subsistent que quelques Syriaques méprisés par les musulmans devenus majoritaires. Parmi les hauts lieux du christianisme en Turquie, Benoît XVI s’est rendu dans plusieurs villes qui, avant l’invasion du pays par les musulmans, étaient également grecques et chrétiennes : Ankara Le Pape s’est d’abord rendu à Ankara, la capitale de la Turquie. À sa descente d’avion, il a été accueillli assez froidement par le Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, puis par le Diyanet Bashkani, chef du culte musulman, l’orgueilleux Ali Bardakoglu (nom qui, en turc, signifie bizarrement « fils du verre »), un véritable calife devant qui le Pape était comme un malheureux dhimmi (chrétien toléré mais pas libre en pays conquis par l’Islam). Anciennement Ancyre, Ankara était la capitale de la Galatie, région dont les premiers chrétiens avaient été convertis par l’apôtre saint Paul. Parmi les quatorze lettres (épîtres) de saint Paul mentionnées dans le Nouveau Testament, une est adressée aux Galates. Saint Paul y déclare notamment : « Plus de juif ni de grec, plus d’esclave ni d’homme libre, plus d’homme ni de femme : vous tous, en effet, vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus. » Épître de saint Paul aux Galates, 3, 28. Aujourd’hui, cette région, où saint Paul prêchait l’égalité entre les hommes, ne compte pratiquement plus aucun chrétien. Éphèse et Izmir Le Pape s’est ensuite rendu à Éphèse, située dans l’ouest du pays. C’est la ville où la sainte Vierge Marie, mère du Christ, a terminé sa vie, sous la protection de l’apôtre saint Jean. La maison de la Vierge, que l’on peut encore visiter aujourd’hui, est devenue une chapelle dans laquelle le pape Benoît XVI a célébré une messe, comme l’avait déjà fait avant lui le pape Jean-Paul II (1979). La première communauté chrétienne d’Éphèse, où s’est tenu le troisième concile œcuménique de l’Église (431), a été fondée, comme en Galatie, par l’apôtre saint Paul qui, alors qu’il était prisonnier à Rome (en 63), a adressé une de ses lettres aux fidèles de la ville : « Je vous exhorte, donc, moi le prisonnier dans le Seigneur, à mener une vie digne de l’appel dont vous avez été appelés, en toute humilité et douceur, avec patience, vous supportant les uns les autres par amour, vous efforçant de garder l’unité de l’Esprit par le lien de la paix. » Épître de saint Paul aux Ephésiens, 4, 1-3. À quelques kilomètres d’Éphèse se trouve Izmir, ville autrefois appelée Smyrne, d’où saint Irénée est parti pour aller évangéliser la Gaule (France actuelle) et plus particulièrement la ville de Lyon où il est mort en 202. Comme la Galatie et la Cappadoce, Izmir et Éphèse ne comptent presque plus de chrétiens. Istanbul – Constantinople Le Pape s’est finalement rendu à Istanbul, la plus grande ville de Turquie, autrefois appelée Constantinople, du nom de son fondateur, l’empereur romain Constantin le Grand, converti au christianisme au IVe siècle. Constantinople était alors devenue le siège du plus grand patriarcat de la chrétienté après Rome, et avait accueilli quatre conciles œcuméniques (381, 553, 680 et 869-870). C’est donc à Istanbul que Benoît XVI a rencontré le patriarche grec orthodoxe de Constantinople, Bartholomée Ier, dans le but de faire l’unité entre les chrétiens des Églises catholique et orthodoxe. Mais, même si le Pape et le Patriarche se rencontrent, je ne crois pas que l’unité sera rétablie car la séparation existe depuis l’année 1054, c’est-à-dire depuis bientôt mille ans ! C’est à cette date, en effet, que le pape saint Léon IX avait excommunié le patriarche Michel Cérulaire : les deux légats (ambassadeurs) du pape, après avoir échoué dans leurs négociations avec le patriarche, avaient déposé la sentence d’excommunication sur l’autel principal de cette fameuse basilique Sainte-Sophie de Constantinople que le pape Benoît XVI a visitée. En fait Sainte-Sophie n’est plus une église depuis 1453, année où Constantinople, qui avait été la capitale de l’Empire byzantin (grec orthodoxe) pendant plus de mille ans, est tombée aux mains du sultan ottoman (turc musulman) Mehmet II Fatih (« le Conquérant »). Après avoir décapité le dernier empereur byzantin Constantin XI et montré sa tête aux Grecs terrorisés, Mehmet II a immédiatement transformé la basilique Sainte-Sophie en mosquée : Conquête de Constantinople Dans son livre La Force de la Raison, Oriana Fallaci décrit la chute de la ville, devenue Istanbul, en citant le chroniqueur et historien byzantin, Georges Phrantzes (1401-1478), loué pour son impartialité (P. LAROUSSE, Dictionnaire du XIXe siècle, t.XII, p.895). Auteur d’une chronique de Constantinople, Phrantzes a été le témoin oculaire de la prise de la ville par les musulmans : « Les habitants [grecs chrétiens] qui, à la tombée du soir, pendant que Mehmet II fait tirer au canon sur les murs de [Constantinople], se réfugient dans la cathédrale de Sainte-Sophie et se mettent à chanter les psaumes, à invoquer la miséricorde divine. Le patriarche [orthodoxe] qui, à la lumière des cierges, célèbre la dernière messe, et pour redonner courage aux plus terrifiés, crie : “N’ayez pas peur ! Demain, vous serez au Royaume Céleste, et vos noms survivront jusqu’à la nuit des temps !” Les enfants [chrétiens] qui pleurent, les mamans qui sanglotent : “Tais-toi, mon enfant, tais-toi ! Nous mourons pour notre foi en Jésus Christ ! Nous mourons pour notre empereur Constantin XI [dernier empereur chrétien byzantin décapité en 1453 par les envahisseurs musulmans], pour notre patrie !” Les troupes ottomanes [musulmanes] qui, battant les tambours, entrent par les brèches des murs croulants, renversent les défenseurs génois et vénitiens et espagnols, les massacrent tous à coups de cimeterre [sabre oriental à lame large et recourbée], puis font irruption dans la cathédrale et décapitent même les nouveau-nés. Avec leurs petites têtes, ils éteignent les cierges… Le carnage dura de l’aube à l’après-midi. Il cessa seulement au moment où le Grand Vizir [premier ministre du sultan musulman ottoman] monta sur la chaire de [la basilique orthodoxe] Sainte-Sophie et dit aux massacreurs [musulmans] : “Reposez-vous. Maintenant, ce temple appartient à Allah” [Sainte-Sophie est alors devenue une mosquée]. Pendant ce temps, la ville [de Constantinople] brûlait. La soldatesque [musulmane] crucifiait et empalait [les chrétiens]. Les janissaires violentaient et égorgeaient les religieuses (quatre mille en quelques heures), ou enchaînaient les survivants pour les vendre au marché [aux esclaves] d’Ankara [actuelle capitale de la Turquie]. » O. FALLACI, La Force de la Raison, Éditions du Rocher, 2004, p.40-41. En se rendant en Turquie, Benoît XVI n’a donc pas visité un pays musulman mais il a fait un pèlerinage aux sources du christianisme dans une des premières régions christianisées au monde qui, comme tous les pays chrétiens du Proche-Orient (Irak, Syrie, Jérusalem, Jordanie, Égypte) et d’Afrique du Nord (Algérie, Tunisie, Maroc), a été envahie par les musulmans et islamisée par la force. Par conséquent, même si Benoît XVI est allé se recueillir dans la Mosquée bleue d’Istanbul, je ne crois pas en l’amitié entre chrétiens et musulmans qui est d’ailleurs strictement interdite par le Coran, livre sacré des musulmans : « O croyants [musulmans] ! ne prenez point pour amis (maîtres, patrons, bienfaiteurs, protecteurs, associés, camarades), les juifs et les chrétiens ; ils sont amis les uns des autres. Celui qui les prendra pour amis finira par leur ressembler, et Dieu [Allah] ne sera point le guide des pervers. » Le Coran, sourate 5, v.56/51 (trad. de KASIMIRSKI). Conformément à ce verset du Coran, les juifs et les chrétiens ne sont que des pervers pour les musulmans. Une amitié véritable est donc impossible.
Père Samuel
UBU